"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

jeudi 28 mai 2015

Archimandrite Melchisédek [Velnic]: Le moine, Don de Dieu (2)




Les moines eurent l'amour et le courage de prendre les paroles du Christ, notre Rédempteur dans leur cœur et de les appliquer dans leur vie, pour le bénéfice de leurs semblables. Ils eurent le courage de transformer la terre en Ciel, la poignée d'argile qui est le corps en un coin du Royaume, car ils ont compris que l'on doit aimer Dieu plus que nos péchés, et que l'homme [qui se trouve] près de nous est au-dessus de son péché. Ils ont compris que seul l'amour de Dieu rend possible toutes ces choses, et ils se sont rendus à cet amour, pour qu'il œuvre à travers eux dans le monde.

Suivant le commandement de Dieu et poursuivant son œuvre dans le monde, les moines comprennent qu'ils doivent être au service de Dieu. Ils vivent leur vie comme une Divine Liturgie, qu'ils étendent à la vie quotidienne. Partout où ils peuvent se trouver, tout ce qu'ils peuvent faire, ils ont tout mis au service de Dieu et de leurs semblables, de sorte que les paroles qui précèdent toute Divine Liturgie peuvent devenir comme le début de toute entreprise d'un moine: "Il est temps d'œuvrer pour le Seigneur," Dieu est celui qui œuvre en nous et à travers nous, mais seulement au moment où nous disons de tout notre cœur: "Seigneur, que ta volonté soit faite!" et "Je t'appartiens, sauve-moi !"(Psaumes 118: 94).

Le moine se retire du monde, y renonce, renonce à tous les plaisirs, à toutes les délices de ce monde, en ayant un but précis. Il renonce à sa propre volonté, non par mépris pour les choses de ce monde, mais de par son souhait permanent de les dépasser. Ou, comme le dit saint Jean Climaque, "le moine renonce à sa volonté par une richesse de volonté" [12]. S'élevant au-dessus d'elles, il parvient à découvrir en elles leur vraie valeur, faisant ainsi de tout ce qui l'entoure une occasion de s'élever et d'élever les autres vers Dieu.

Il a renoncé à tout ce que le monde pouvait lui offrir de meilleur, afin que les autres puissent profiter plus pleinement ces choses. Son fruit est le bénéfice de son prochain, et sa crainte est de devenir un obstacle sur le chemin de son prochain, portant gravé profondément en son cœur les paroles des Psaumes: "Ô Dieu, tu connais ma folie et mes péchés ne te sont pas cachés. Ne laisse pas ceux qui espèrent en toi, ô Seigneur des armées, avoir honte à cause de moi: Que ceux qui te cherchent ne soient pas confus à cause de moi, ô Dieu d'Israël "(Psaume 68: 7-8).

Le moine sera consumé, il va brûler pour le monde qu'il a quitté; il ne  s'appartient pas, et devient ainsi le don de Dieu! Il est, dans le même temps, le don que le monde fait à Dieu, mais aussi le don que Dieu redonne au monde. Il siège entre le monde et Dieu; il est à la fois témoin de l'amour de Dieu pour le monde et médiateur silencieux pour le monde en face de Dieu. Toutes ces choses sont trouvées dans l'ensemble de la vie du moine, qu'il soit au sein de l'église élevant la louange vers Dieu, ou vaquant à ses occupations quotidiennes.

Pour cette raison, ses paroles, son enseignement ou ses sentiments, son expérience de la vie et des principes moraux, ne sont pas ce qui rend témoignage de sa vocation, à Dieu et à la vie vécue en lui, mais sa seule présence le fait. Sa présence est la véritable prédication du moine, son cri silencieux. Un vrai moine est celui qui fait s'exclamer celui qui est en face de lui: "Il suffit que je te vois" [13]

Etant et faisant ces choses, le moine est don de Dieu, un homme devenu don pour Dieu de sa propre volonté, seulement par amour pour Dieu et pour son prochain. Saint Théodore le Studite considère le monachisme comme "la troisième grâce". "La première grâce" est la loi de Moïse. La deuxième, la grâce "au-dessus des grâces", dont "nous avons tous reçu la plénitude" (comme le dit de Dieu saint Jean-Baptiste [Jean 1:16]). Et enfin, la troisième... "le visage  monastique de la vie, donnée à l'homme et compris comme vie céleste, comme descente de la vie angélique sur terre, comme touche et incarnation dans l'histoire de ce qui, en soi, est au-delà de ses limites" [ 14].

Saint Jean Le Révélateur, Héraut de Dieu, dans sa première épître, a écrit: "parce que celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde"(1 Jean 4: 4), ce qui signifie l'accomplissement des paroles de Jésus-Christ, le Rédempteur: "le Royaume de Dieu est en vous" (Luc 17:21). Les moines, icône vivante de ces paroles du Rédempteur, sont les successeurs de celui qui, étant Dieu, s'est fait homme pour transformer les hommes en dieux. Car le Christ est descendu du ciel pour y élever les hommes!

C'est pourquoi celui qui a le Christ en lui, dans son cœur - et c'est là qu'est toute la quête du moine, et pas seulement la sienne - est supérieur à tout ce qui semble dans le monde être grandiose et triomphant. Et puis les paroles de Jean-Baptiste que nous avons cités se révèlent être entièrement fondée.

Mais comment pouvons-nous y arriver, à cette mesure? Suffit-il simplement de franchir la porte d'un monastère, et de revêtir un uniforme, comme un soldat dans l'armée? Bien sûr que non! C'est un combat mené sur un terrain confessionnel, et la lutte n'est pas "contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes. (Ephésiens 6:12 ). C'est un combat contre le monde des mauvais esprits, le monde des ténèbres, de Satan.

Mais le Christ est arrivé et Il a écrasé la tête du serpent: "lequel, existant en forme de Dieu, n'a point regardé comme une proie à arracher d'être égal avec Dieu, mais s'est dépouillé lui-même, en prenant une forme de serviteur, en devenant semblable aux hommes; et ayant paru comme un simple homme, il s'est humilié lui-même, se rendant obéissant jusqu'à la mort, même jusqu'à la mort de la croix." (Philippiens 2: 6-8). La kénose du Christ, son humilité, a vaincu.

De la même façon, à la suite du Christ, qui a dit: "Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive" (Marc 8:34), le moine, revêtant le même habit d'humilité et de sacrifice, surmonte toute la multitude de tentations, des esprits qui se dressent contre lui.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Mănăstirea Putna

Notes bibliographiques des ouvrages utilisés par l'auteur:

[12] Saint John Climacus, The Ladder of Holy Willlessness, in Filocalia, IX, translation, introduction and notes by Father Dumitru Staniloae, Bucharest, 1980, p. 79.
[13] Confessional Sources: Pateric, Alba-Iulia, 1993, For avva Antonie, p. 9.
[14] Archim. Sofronie Saharov [Archimandrite Sophrony de Maldon], Of the Foundations of Orthodox Willlesness, p. 31-32

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