"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

samedi 5 septembre 2015

Une vie inédite de Père Seraphim [Rose], écrite par son parrain (2/5)



Eugene (Fr. Seraphim) with his godfather, Dimitri, and his godmother


Eugène (Père Seraphim) avec son parrain, Dimitri et sa marraine


Mais un miracle se produisit. Eugène alla à l’office de nuit à la cathédrale orthodoxe russe de San Francisco. C’était à Pâques, la Pâque russe, notoirement exubérante et pleine de joie. Là, il connut quelque chose de l'esprit originel du christianisme de l'époque des Apôtres. Il fut submergé par la beauté de l’office, par tout ce qu'il vit et entendit. Il dit: "Maintenant, je suis à la maison." Il comprit qu'il avait trouvé ce qu'il cherchait depuis longtemps. Il connut quelque chose qui n’était ni intellectuel ni esthétique, mais existentiel. Et à l'intérieur de lui, il brûlait, non pas d’une exaltation temporaire, mais d’une passion spirituelle profonde, d’une détermination permanente à préserver coûte que coûte, qui devait durer toute sa vie. Dès lors, lentement, il s’engloutit de plus en plus dans le christianisme orthodoxe. Il changea peu à peu son mode de vie, de mondain, celui-ci devint ascétique.

C’est alors que je l'ai rencontré à San Francisco. Il devint un ami très cher. Je ne peux pas oublier ses yeux pénétrants et aimables, son sourire, sa sobriété, son calme, son sang-froid, sa noblesse naturelle. Il était intense, mais timide. Il ne connaissait personne chez les jeunes intellectuels orthodoxes russes. Je l'ai présenté à mes amis. Nous nous sommes rencontrés très souvent. Je lus et traduisit pour lui les textes classiques de la spiritualité russe. Nous eûmes de nombreuses discussions ...
   
Il me demanda d'être son parrain quand il devint orthodoxe en 1962. Il demanda également à ma mère, qui vivait à l'époque avec moi, d'être sa marraine. Il assista fidèlement aux nombreux offices de la cathédrale russe comme il le pouvait. Il apprit rapidement à chanter et à lire parfaitement en slavon.

Mais le catalyseur qui précipita et confirma sa conversion fut un saint des temps modernes, l'archevêque Jean [Maximovitch], qui vint à San Francisco pour aider à construire une nouvelle cathédrale. Saint Jean était un ascète. Il ne dormit jamais dans un lit, et quand il n’assistait pas aux services religieux, il passait son temps à son ministère pour les pauvres, les opprimés, les malades, et les prisonniers. Beaucoup de miracles se produisaient par ses prières. Des personnes étaient guéries. Parfois, même quand il n'y avait pas de communication téléphonique possible, il venait voir les malades quand ils demandaient son aide dans leur cœur, ou bien il connaissait juste leur détresse, et venait, et ensuite, ils étaient guéris, même dans les conditions médicales les plus désespérées. Il rayonnait d'amour et de joie spirituelle. Beaucoup de gens qui le connaissaient, qui avaient reçu son aide, qui avaient été l'objet de son amour, l'aimaient en retour de tout leur coeur. Ils étaient extrêmement attachés à lui. Il était clairvoyant. Il pouvait arrêter un suicide simplement en appelant au téléphone, et en disant: "Ne fais pas ça !"

Etant évêque en Chine au cours de la Seconde Guerre mondiale, il sauva des milliers de personnes de la mort et de la déportation, en organisant leur transfert aux Etats-Unis. Les nombreux orphelins qu'il sauva l'aiment encore. Il était de petite taille, bossu, vêtu d'une vieille soutane en lambeaux. Il avait un défaut de prononciation. 

Un jour, pendant la guerre entre le Japon et la Chine, au cours d'un échange de tirs entre les soldats chinois et japonais à Changhai, il décida de visiter une église orthodoxe dans la zone de guerre. Il fut averti qu'il s’exposait lui-même à un grand danger, à la mort même. Faisant abstraction totale de cela, il traversa la zone de guerre. Tant qu'il la traversait, la fusillade s’arrêta. Il revint de la même façon. Les soldats japonais à leur poste se tenaient au garde à vous quand il passait, l'honorant, étant frappé de ce qui était arrivé, et disant que Dieu l'avait aidé. Ses écrits et ses sermons étaient concis et simples, clarifiant les problèmes les plus difficiles.

La bénédiction et l'amour de cet homme conduisirent Eugène à une nouvelle vie.


Dimitri Andrault de Langeron

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Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après


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