"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

jeudi 10 décembre 2015

Père Stephen: La lutte pour une Communion véritable



Pour beaucoup de protestants (et quelques autres), dont l'expérience de l'Église a été largement façonnée dans les dernières décennies, l'un des aspects les plus déconcertants de la première visite à une Église orthodoxe est le fait que tous les baptisés, ne sont pas autorisés à recevoir la Communion. En effet, la Communion est réservée aux chrétiens orthodoxes qui se sont préparés (ceci est un autre sujet) pour recevoir les Saints Dons.

Pour certains, c'est une surprise, pour d'autres, non, et pour quelques autres encore, c'est un fait qui est le bienvenu. Quand j'ai visité une église orthodoxe je suis tombé dans ce dernier groupe. Je n'ai pas pu me réjouir de ce que je n'étais pas en mesure de recevoir la Communion, mais je ne me suis pas réjoui parce que je n'étais pas autorisé à le faire (dans l'état de schisme dans lequel je vivais). Quelqu'un m'a dit, "Il y a des choses dans ta vie chrétienne qui doivent être changées avant d'approcher du Calice." J'ai compris cela comme quelque chose de sain.

En effet, la disparition rapide de la discipline de Communion dans la majeure partie du christianisme de la seconde moitié du 20ème siècle a promu ainsi une nouvelle interprétation rapide du sacrement et l'exaltation radicale de l'individu par rapport à l'Église. J'ai plusieurs réflexions à offrir dans ce domaine.

Premièrement - la disparition rapide de la discipline de la Communion signifiait la disparition des frontières. Rien dans l'Eglise ne disait plus: "Non!" Avec cela, la vie chrétienne perd sa définition. La "Communion" avec le Christ devient un événement purement subjectif, lui-même dénué de sens en raison de l'absence de frontières. 

S'il n'y a pas de «Non.», il ne peut y avoir un "Oui." Le Jardin d'Eden, le paradis de la perfection, contenait un seul "Non", une limite. Et pourtant, cette seule limite définissait la communion avec Dieu. En ne mangeant pas [du fruit] de cet arbre, Adam et Eve pouvaient vivre dans l'obéissance. Tout autre repas prend tout son sens de la Communion bienheureuse, car elle est consommée dans l'obéissance. Avec l'acte de désobéissance et la destruction de la seule limite donnée par Dieu, chaque arbre devient un arbre potentiel de mort. En effet, la Sainte Communion elle-même peut devenir un calice de mort selon les exhortations de saint Paul dans 1 Corinthiens.

Deuxièmement - avec la suppression des frontières, la communion cesse d'être une lutte, et perd l'ascèse qui est essentielle à une saine vie chrétienne. La communion avec Dieu est un don de Dieu - mais, comme le Royaume de Dieu, les "violents s'en emparent par la force" (Matthieu 11:12). Ce verset plutôt étrange est une référence à ceux qui recherchent Dieu de manière telle qu'il n'est pas inapproprié d'utiliser le mot "violence" pour le décrire. Le ministère de saint Jean-Baptiste a été marqué par son jeûne et ses luttes dans la prière. ce sont de tels efforts qui sont "violents" dans la vie chrétienne. Ce devrait être la norme dans la vie chrétienne que les saints mystères soient abordés avec l'ascèse. Plutôt que de s'approcher de Dieu avec une attitude de droit ("Ceci est ma Communion") nous nous approchons luttant contre le péché dans notre vie: par le repentir, la confession, le pardon, le jeûne. Dans une vie chrétienne, ce sont des actes d'amour.

Dans toutes nos relations saines un certain niveau d'ascèse est pratiqué, mais il est rare qu'on le reconnaisse comme tel ou qu'on le nomme ainsi. Dans le mariage, nous comprenons que les maris doivent "aimer leurs femmes comme le Christ a aimé l'Église" (Eph. 5:25) c'est-à-dire, qu'ils sont appelés à donner leur vie pour elles. Un mariage romantique construit sur des phrases, plutôt que sur des actes de sacrifice d'amour, peut trop facilement être un mariage voué à l'échec.

Ce n'est pas que nous gagnions [par nos efforts] la Grâce ou le salut - Je soutiens que chaque effort de "lutte" est en soi un effort possible et infusé par la Grâce. [Mais le don de notre salut ne doit pas être assimilé à un homme qui n'a jamais pris une batte de baseball et qui dans la dernière phase d'une partie difficile, s'en emparerait et ferait gagner son équipe...] La Grâce pourrait fonctionner ainsi, mais nous serions avec Walt Disney et non pas avec Jésus-Christ. Ainsi, le Dieu qui nous sauve par la Grâce nous dit: "gardez mes commandements", et un certain nombre d'autres choses. [Une exception: le bon larron. Bien que même il connut sûrement une lutte lorsqu'il se fraya un passage vers ces paroles: "Souviens-toi de moi dans Ton Royaume."] Dieu ne nous abandonnera pas si nous entreprenons cette lutte -, mais nous devons lutter- car telle est la vie dans la Grâce.

Avant j'ai été reçu dans l'Église orthodoxe, par nécessité j'ai acquis une autre "approche" de la Communion. Assistant aux Offices avant d'avoir été reçu dans l'Église, je savais que je ne serais pas encore en mesure d'approcher du Calice. Mais j'ai gardé le jeûne. Depuis minuit je n'ai rien mangé. Ainsi, comme le reste de la congrégation, j'ai chanté dans la faim, tandis que le Ciel nous entourait et que Dieu Se donnait à nous sur Son Autel Très Saint. Je ne pouvais pas manger - mais je pouvais lutter pour manger - je pouvais avoir faim.

La faim n'est pas la plénitude de la foi - mais, si je puis m'exprimer ainsi - cela fait partie de la plénitude. Et à certains moments une partie de la plénitude est plus que rien!

Je pense que c'est un point important pour une grande partie de notre vie. Il y a une plénitude de la Coupe du Salut que la plupart d'entre nous n'ont pas encore goûtée, même si nous allons vers la Coupe chaque dimanche. Je ne connais pas encore la plénitude de l'amour pour mes ennemis, ou du pardon de mes amis, ou de cheminer sans crainte (chacun de nous peut allonger cette partie de la liste). Mais je peux connaître quelque chose de la plénitude de la faim pour ces choses, et la difficulté quotidienne de lutter pour elles par la Grâce.

Et par la Grâce, je prie enfin d'avoir été amené au-delà de cette frontière du péché qui me sépare des autres et de moi-même, uni au Christ et à la liberté qui vient de Lui seul.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après le weblog

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