"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

jeudi 4 février 2016

Le Patriarche Cyrille : Nous ne disons pas du Concile panorthodoxe qu’il s’agit d’un concile œcuménique


Intervenant à l’ouverture du Concile épiscopal de l’Église orthodoxe russe, qui a débuté le 2 février, Sa Sainteté le Patriarche Cyrille est revenu sur le thème de la préparation du Saint et Grand Concile de l’Église orthodoxe.
« Nous croyons que l’Église du Christ est une, sainte, catholique et apostolique, comme il est dit clairement dans le Symbole de foi. L’Église est une par nature, a rappelé Sa Sainteté. L’existence de nombreuses Églises autocéphales est une forme d’existence historique de l’Église, la mieux adaptée à l’accomplissement de sa mission de salut. Nous savons aussi que la prise de décisions concernant le Plérôme de l’Église, a toujours exigé la participation si ce n’est de tous les hiérarques orthodoxes, du moins de représentants de chaque Église locale. En ce sens, les Conciles œcuméniques et certains aussi conciles d’importance panorthodoxe sont l’expression visible de l’unité de l’Église, de son essence conciliaire, le reflet de sa conscience d’être le Corps du Christ (cf. Rom 12, 5).
En même temps, souligne le Patriarche, la réception des Actes de tel ou tel Concile par le Plérôme de l’Église a toujours été progressive et, « comme le montre l’histoire ecclésiastique, aucun Concile n’a pu imposer à l’Église ses décisions si elles ont été rejetées par le peuple de Dieu, s’il n’y a pas eu de réception des décrets conciliaires par l’ensemble de l’Église. » C’est pourquoi aucun Concile œcuménique n’est devenu tel par le simple fait de sa convocation : son importance réelle ne devenait évidente qu’après un certain temps, parfois très long, a constaté le Primat de l’Église orthodoxe russe.
« Nous ne disons pas du prochain grand et saint Concile de l’Église orthodoxe qu’il s’agit d’un Concile œcuménique, a poursuivi le Patriarche Cyrille. A la différence des anciens Conciles œcuméniques, il n’est pas appelé à résoudre des questions doctrinales, car elles sont résolues depuis longtemps et n’exigent aucune révision. Il n’est pas non plus appelé à introduire quelque innovation liturgique dans la vie de l’Église, dans sa structure canonique. Néanmoins, il peut, s’il est préparé comme il se doit, être un facteur important d’affermissement de l’unité et de la coopération entre Églises, et permettre de préciser les réponses que l’Église orthodoxe donne aux questions de la modernité sur la base de sa Tradition multiséculaire. »
Le Patriarche a aussi souligné que ce Concile ne serait véritablement panorthodoxe que si des représentants de toutes les Églises orthodoxes autocéphales reconnues par tous y prenaient part.
Se tournant vers l’histoire, il a constaté que durant presque un millénaire, la réunion des Églises locales en concile avait été compliquée. Durant de nombreux siècles, en effet, tous les Patriarcats antiques avaient subi la domination musulmane. Les circonstances du XX siècle n’ont pas non plus favorisé l’intensification des contacts entre Églises : il suffit de se rappeler les guerres des Balkans, la Première guerre mondiale, la révolution russe qui entraîna une violente persécution contre l’Église, la chute de l’Empire ottoman, la déportation des chrétiens d’Asie mineure et, enfin, la Seconde guerre mondiale.
Néanmoins, dès 1923, l’Église de Constantinople a convoqué à Istanbul un Congrès interorthodoxe, puis, en 1930, une Commission interorthodoxe préparatoire, qui s’est réunie au monastère de Vatopédi sur le Mont Athos. « Ces premières tentatives de collaboration panorthodoxe ont été un échec, a remarqué le Patriarche Cyrille de Moscou et de toute la Russie. Certaines Églises locales n’y ont pas pris part, l’Église orthodoxe russe, en était empêchée par les circonstances. Les travaux du Congrès interorthodoxe d’Istanbul s’est, dans l’ensemble, déroulé dans un climat réformateur de déni de la Tradition. Pour cette raison, ses décisions n’ont été reconnues de personne, en dehors des décisions sur le nouveau calendrier, adoptées par certaines Églises au prix de regrettables schismes. »
Le Patriarche a aussi rappelé que l’Église de Constantinople n’a pas été seule à proposer des initiatives panorthodoxes. Ainsi, à l’initiative du Patriarcat de Moscou, une Conférence des chefs et des représentants des Églises orthodoxes locales s’est déroulée à Moscou en 1948, à l’occasion du 500e anniversaire de l’autocéphalie de l’Église russe. Cependant ses décisions n’ont pas été adoptées par les Églises locales qui ont considéré que seul le Patriarche de Constantinople pouvait convoquer une réunion panorthodoxe.
La préparation du Saint et Grand Concile de l’Église orthodoxe n’a réellement démarré qu’en 1961, lors de la Première conférence panorthodoxe, qui a eu lieu sur l’île de Rhodes, en Grèce, a constaté Sa Sainteté. Un catalogue d’une centaine de thèmes a été rédigé, des thèmes que l’on se proposait de préparer pour les présenter à l’examen du futur Concile. Un peu plus tard, en 1968, à la Quatrième conférence panorthodoxe de Genève, il a été décidé de poursuivre la préparation du Concile dans le cadre de Conférences panorthodoxes préconciliaires, et de commissions préparatoires interorthodoxes précédant la convocation des conférences. Ce format s’est conservé jusqu’à aujourd’hui.
A la conférence de Rhodes de 1961, il a été proposé à toutes les Églises locales d’exprimer leur opinion sur les thèmes approuvés. S’agissant de la participation de l’Église orthodoxe russe à l’élaboration de ces thèmes, le Patriarche Cyrille a montré qu’elle s’y été employée avec le plus grand sérieux. En 1963, le Saint Synode a créé une Commission spéciale présidée par le métropolite Nicodème de Leningrad, de bienheureuse mémoire, dont faisait partie les meilleurs théologiens de l’Église orthodoxe russe, hiérarques, clercs et laïcs. En cinq ans, cette Commission a accompli un immense travail, préparant des projets de documents sur tous les thèmes du catalogue sans exception. « Ce n’est pas exagérer que d’affirmer que l’Église russe a apporté une contribution sans précédent à la préparation du Concile panorthodoxe et n’était pas seulement prête à sa tenue, mais proposait également sur tous les thèmes des projets concrets, réfléchis, de documents conciliaires, résultat du travail des meilleurs théologiens de notre Église » a souligné le Patriarche Cyrille.
Cependant, en 1971, plusieurs Églises locales ont insisté sur la réduction de l’agenda du Concile. La Première conférence préconciliaire panorthodoxe, en 1976, a donc réduit la liste des thèmes à dix. Leur étude s’est poursuivie dans le cadre des Commissions préparatoires interorthodoxes, ainsi que pendant la Seconde, puis la Troisième conférence préconciliaire panorthodoxe de 1982 et 1986.
« Dans les années 1990, ce travail a été interrompu pour longtemps, a constaté le Patriarche. La raison en a été l’instauration par le Patriarcat de Constantinople, en 1996, de la dite Église orthodoxe autonome d’Estonie sur le territoire canonique du Patriarcat de Moscou, avec l’intention d’un faire un acteur à part entière du processus préconciliaire, ce que notre Église a catégoriquement refusé. » Les perspectives de reprise de la préparation du Concile ne sont apparues qu’en 2008. Lors de la rencontre des Primats des Églises orthodoxes locales, il a été décidé que seuls des représentants des Églises autocéphales, et non des Églises autonomes, au nombre desquelles l’Église de Constantinople compte sa structure en Estonie, participeraient à la préparation conciliaire. « Les représentants des Églises autonomes, aujourd’hui encore, ne participent au processus préconciliaire que dans le cadre des délégations de leurs Églises-mères » a raconté le Patriarche Cyrille.
Le Primat de l’Église russe a poursuivi en rappelant que le processus de préparation du Concile s’était poursuivi en commissions préparatoires et, en 2009, à la Quatrième conférence préconciliaire panorthodoxe. « En mars 2014, j’ai participé à la Synaxe des Primats des Églises orthodoxes locales, qui a eu lieu à Istanbul. Il a été décidé de convoquer le Concile panorthodoxe pour 2016, « si des circonstances imprévues ne l’empêche pas » a déclaré Sa Sainteté.
Il était prévu que durant le temps réduit qui resterait, les efforts de tous les participants du processus préconciliaire s’intensifient. Pour cette raison, la Synaxe a créé une Commission interorthodoxe spéciale, qui est parvenu à réviser trois projets de documents conciliaires. Ces textes, revus en commun lors de la Cinquième Conférence préconciliaire panorthodoxe d’octobre dernier, concernent l’importance du jeûne, les relations de l’Église orthodoxe avec l’ensemble du monde chrétien, la proclamation de l’autonomie ecclésiale.
Dans le cadre du processus préconciliaire, il a aussi été discuté du thème de l’autocéphalie et du mode de sa proclamation.
La Synaxe des Primats des Églises orthodoxes locales qui s’est déroulée à Chambésy (Suisse) du 21 au 28 janvier 2016 a notamment examiné le projet de document conciliaire « La mission de l’Église orthodoxe dans le monde contemporain », « le Sacrement du mariage et ses empêchements », ainsi que d’autres thèmes.

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