"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

mardi 19 août 2014

Saint Nicolas du Japon sur le bouddhisme (1)







L’Archevêque Nicholas (Kasatkine) Egal-aux-Apôtres (1836-1912), missionnaire exceptionnel au Japon où il œuvra pendant plus de cinquante ans, fut le fondateur de l'Eglise orthodoxe japonaise. 

Des dizaines de milliers de Japonais furent convertis à l'Orthodoxie grâce à ses travaux, une partie importante d'entre eux étaient d'anciens bouddhistes, et parmi ses assistants étaient d'anciens moines bouddhistes (bhikkhu), Paul Savabe par exemple. Le saint étudia le bouddhisme au cours des huit premières années de son temps au Japon, quand, selon ses propres paroles, il "s'efforça avec diligence d’étudier l'histoire, la religion du Japon, et l'esprit du peuple japonais."[1]

Saint Nicolas a donné une étude intégrale du bouddhisme dans son œuvre, "Le Japon du point de vue de la mission chrétienne", publié en 1869. Ce fut la première description du bouddhisme japonais accessible au lecteur de langue russe. Il est clair que dans ce travail l'auteur a étudié le bouddhisme très sérieusement, mais pour des raisons compréhensibles, il a limité ses sources à celles de la langue japonaise.

Si l’évêque Nil, qui se familiarisa avec le bouddhisme en utilisant des sources en langue bouriate, y voyait rien de plus que simplement une des nombreuses formes de paganisme, saint Nicolas donne de cet enseignement une évaluation beaucoup plus élevée. Il détermine le bouddhisme comme "la meilleure des religions païennes -un pilier herculéen de l'effort humain qui a compilé pour lui-même une religion, inspirée par les obscurs restes de vérités révélées par Dieu, qui avait été conservés par les races après la dispersion babylonienne. [2]

Bien qu'il l’étudia en profondeur, saint Nicolas n'a pas eu d'intérêt pour le bouddhisme en soi et il le considéra exclusivement du point de vue missionnaire pratique. Ce point de vue lui permit de remarquer ce que d'autres chercheurs et polémistes ne considérèrent pas dans le bouddhisme. Cela comprenait les méthodes missionnaires du bouddhisme. 

Le saint note la "flexibilité du bouddhisme et sa capacité à s'adapter aux coutumes du pays dans lequel il apparaît." [3] A titre d'illustration l'auteur souligne comment, selon la croyance bouddhiste, Bouddha et les Bodhisattvas firent un serment de "naître dans divers pays ignorants pour les amener au salut". [4] Cela permit aux bouddhistes de déclarer qu’Amaterasu et d'autres dieux japonais étaient des incarnations de Bouddha et des bodhisattvas, prises par eux afin de "les préparer à recevoir les véritables enseignements du bouddhisme... Ainsi, le bouddhisme appela les dieux japonais par leurs noms, les accepta sous ces noms et dans leurs temples, et il prit racine et fleurit au Japon." [5]

Décrivant les enseignements du bouddhisme, saint Nicolas conclut qu’il y avait une cause naturelle pour chacun de ses éléments -caractéristiques historiques, culturelles, et des circonstances psychologiques. Expliquant par exemple le succès de la propagation du bouddhisme dans ses premiers stades, le saint écrit: "Ayant surgi du sol indien comme un antidote au système brahmanique des castes et à l'oppression des classes inférieures par les supérieures, le bouddhisme était à cet égard un prédication de l'égalité spirituelle et de l'amour dans le monde païen; d'autre part, parce que c'est la prédication d'un homme qui était l'héritier du trône, mais qui a préféré devenir un mendiant, c'est une prédication contre la vanité de ce monde, une prédication de la non-avidité et de la pauvreté. [6]

Attirant l'attention sur l'absence dans le bouddhisme d'un enseignement d'un Dieu Créateur, le saint explique cela par le fait que dans le milieu indien de l'époque il n'y avait pas de précédent pour l'obtention de la connaissance de cette vérité; et, "ayant surgi sur le sol du brahmanisme panthéiste, le bouddhisme s'est avéré impuissant à y renoncer." 

En parlant de la raison pour laquelle le Bouddha lui-même ne peut pas être assimilé à Dieu, il écrit, "C'est vrai, Bouddha apparaît avec des traits qui sont caractéristiques de Dieu, mais avec d'autres comme lui il y a une multitude infinie de bouddhas, et chacun a atteint cet état béni par ses propres mérites; chaque personne, à son tour, est confrontée à un grand nombre de degrés de l'incarnation dans un bouddha. Cette échelle menant de l'homme sur les hauteurs conduit à un état de Bouddha; mais pourquoi pas aussi l'étendre vers le bas? Ainsi... l'ensemble du monde animal est également synonyme de Bouddha; en outre, l'échelle va encore plus loin vers le bas: il y a différents degrés de l'enfer inventés, qui sont habités par des êtres vivants, et ils sont également en contact avec Bouddha... Ainsi, l'image des mondes célestes, terrestres, et inférieurs est un immense laboratoire dans lequel d’innombrables races de l’existence grouillent, naissent, re-naissent, et en dernière analyse deviennent des bouddhas. [7] 

Saint Nicolas explique l'enseignement de la transmigration des âmes comme "une mauvaise compréhension de la nature et de sa relation à l'homme, et une compassion inconsciente pour les êtres inférieurs." [8] La pratique de la méditation visant à modifier la conscience, le saint l’explique par le désir de l'homme d’Orient pour la paix et l'inactivité: " les pensées peuvent aussi causer la détresse ou la difficulté d'une personne-il est donc préférable qu’elles cessent et soient figées dans leur écoulement; si, en un mot, une personne se plonge dans l'insensibilité, l'inconscience, alors elle se plonge dans le néant, mais en fait, une existence humaine intégrale s'est immergée. Un tel état ​​de paix inconscient est appelé la contemplation; il lui est attribuée de hautes qualités pour tout diriger et le pouvoir de tout contrôler, dans la mesure où dans cet état une personne, ayant renoncé à elle-même, se fond avec tout dans l'unité et peut devenir le possesseur de ce avec quoi elle s’est fondue. Cet état est présenté comme l'objectif de tout le monde et de tout; donc les bouddhas sont bouddhas parce qu'ils ont atteint la possibilité en tout temps de s'immerger dans cet état, et c’est qui est considéré comme leur béatitude la plus exaltée." [9] 

Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
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NOTES



[1] Cité par A. Chekh, Nicolas-Do (St. Petersbourg, 2001), p. 23. (en russe)
[2] Saint Hiérarque Nicolas (Kasatkine), “Le Japon du point point de vue de la Mission Chrétienne”, œuvres choisies de saint Nicolas, Archevêque du Japon (Moscou, 2006), p.44. (en russe)
[3] Ibid.
[4] Ibid., 45.
[5] Ibid.
[6] Ibid., 47.
[7] Ibid., 47-48.
[8] Ibid., 48.
[9] Ibid.

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