"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

vendredi 8 août 2014

Sur le monachisme contemporain : entrevue de Kristina Poliakova avec l’Archevêque Marc (Arndt) (1/2)

On Contemporary Monasticism: Interview with Archbishop Mark (Arndt) Kristina Polyakova

Sur le monachisme contemporain :
entrevue de
Kristina Poliakova
avec
l’Archevêque Marc (Arndt)


-Votre Eminence, à votre avis, existe-t-il des différences significatives entre les monastères en Occident et en Russie?
- J'ai vécu toute ma vie en dehors de la Russie et je ne puis pas évaluer objectivement le monachisme russe. Je suis devenu moine en ayant vu le genre de vie monastique qui’il était impossible d'avoir sous les Soviétiques, j'ai donc grandi dans l'expérience de monastères à l’étranger : les serbes et ceux du mont Athos. Mais je vois que, aujourd'hui, beaucoup de choses  de la société –de toute société- changent, et sont en constante évolution.
En Occident, ceux qui entrent dans les monastères sont confrontés à des difficultés à cause du fait que les gens de l'Ouest sont éduqués dans l'individualisme, [ils doivent faire] un effort pour être spéciaux en quelque sorte, et pour cette raison, il est difficile de partager une cellule monastique résidentiel avec quelqu'un d'autre -plus que cela, c’est pratiquement impossible. C'est pourquoi je bénis souvent les gens pour qu’ils partagent une cellule monastique seulement après une certaine période de temps, permettant à une personne de vivre d’abord dans le monastère pendant quelques années. De ce que j'ai vu, les monastères sont configurés différemment en Russie. Les cellules monastiques communes, bien sûr, sont nécessaires: les gens doivent être en contact les uns avec les autres et ils savent comment le faire. Par rapport à l'Occident, les moines russes font face à d'autres types de difficultés. Par exemple, ici, il est difficile de donner une cellule sans douche privée à un novice. Mais ce problème est résolu différemment selon l'endroit considéré. Il y a des monastères où tout est moderne -j'ai vu cela en Grèce. Et il y a des endroits où cela serait impossible, et Dieu merci. Parce que les jeunes ont besoin d'apprendre la simplicité, dans leur relation avec les autres, dans la vie quotidienne, dans les besoins personnels, etc… Sans aucun doute, c’est différent dans chaque pays. Chaque société a ses particularités et ses difficultés qui doivent être surmontées.
Un des plus grands problèmes que nous endurons en Occident est l’attachement universel pour les ordinateurs, les téléphones, dont les modèles de plus en plus récents sont toujours offerts. Ces choses sont nécessaires pour nous les moines, aussi, mais dans les monastères, l'utilisation de ces dispositifs doit être réglementée. Vous devez comprendre: une personne qui est dépendante d'un ordinateur ne peut pas prier correctement. La prière d'une telle personne sera toujours superficielle. C'est pourquoi l'utilisation de la technologie moderne doit être limitée à certains moments, restreinte à des fins spirituelles. Quand un moine est occupé par l'accomplissement de ses nombreuses obédiences, il peut être difficile pour lui de s’arracher à ces objets technologiques pendant les offices divins ou la prière intérieure. C'est pourquoi il est particulièrement important d'enseigner aux jeunes comment se retirer des soucis quotidiens.
- Peut-être que c'est un sujet difficile à discuter, mais on dit qu'il y a un déclin de la vie monastique en Occident, en particulier chez les catholiques. Pouvez-vous commenter?
- Oui, il y a une certaine faiblesse, il y a des fautes qui doivent être affrontées et surmontées, mais je ne dirais pas qu'il est en déclin. Ces choses se produisent dans toutes les sociétés, à tout moment, et nous ne devons pas tomber dans le désespoir, dans un état ​​de paralysie. Nous devons travailler pour que tout prenne sa place. Le Seigneur nous donne d'énormes possibilités. Les possibilités que nous avons maintenant, en particulier en Russie, ont été peu nombreuses et espacées dans le passé, il serait préférable de dire que c'est un moment très rare dans le temps. Nous devons donc prendre des mesures. Ne soyons pas pessimistes, mais regardons le positif aujourd'hui, sur cette base, nous pouvons construire quelque chose de bon.
En ce qui concerne les monastères catholiques, il est en effet une baisse. À mon avis, c'est en partie en raison de l'attitude générale de la société occidentale qui s'est égaré loin de ses racines chrétiennes, mais aussi une conséquence du fait que les catholiques n'ont pas une base solide pour la vie spirituelle, parce qu'ils ont abandonné l'unité de l'Église. Hors de l'Église point de salut.
- A votre avis, est-il nécessaire pour les moines d'examiner les règlements et le mode de vie des autres monastères à l'étranger? Ou bien existe-t-il un modèle pour établir la vie monastique que tout le monde devrait suivre?
- Il ne peut y avoir aucun modèle établi à suivre dans la vie chrétienne! Si tout est normalisé, le christianisme, en règle générale, s'éteint. Il ne faut pas simplement copier quelqu'un ou quelque chose, tout est individuel. Par exemple, la nature elle-même est complètement différente en Grèce et en Russie. Cela conduit à différents besoins et problèmes dans les monastères de ces pays. Mais il est toujours utile de se familiariser avec les us et coutumes des autres monastères, d'apprendre quelque chose de bénéfique, ou de comparer ses propres moyens à ceux des autres. Il faut regarder les aspects positifs des différents monastères et communautés et les imiter s’il y a un besoin de le faire.
- Monseigneur, à votre avis, quel est le principal problème dans la vie spirituelle de l'homme moderne, du moine?
- L'un des principaux problèmes rencontrés par les chrétiens et surtout par les moines aujourd'hui, c'est que les gens ne sont pas habitués à se restreindre, à supporter, ou à  se forcer à faire quoi que ce soit, à assumer des obligations, d'abord et avant tout pour la prière. Pour une raison quelconque nous courons obstinément et constamment après le péché, mais pas après les bonnes actions, hélas! Un des anciens Pères de l'Eglise a dit que la prière est plus difficile que de tailler des pierres. Une personne est aujourd'hui portée à vouloir tout tout de suite, en l'abondance et à bon marché. Nous avons une société de consommation, tout est souhaité rapidement et facilement. Mais ce n'est pas le cas, puisque tout ce qui est rapide et facile à obtenir n'est généralement pas apprécié. C’est seulement en obtenant quelque chose par un grand effort et une grande persévérance qu’une personne lui confère une grande valeur. C'est pourquoi la persistance dans la prière ne demande qu’une telle approche, et, je pense que c'est l'un des principaux obstacles rencontrés par l'homme moderne, qui n'est pas habitué à parvenir à quoi que ce soit par la patience et par des efforts laborieux.
La prière de Jésus est nécessaire à l'homme moderne! Aucun chrétien ne peut se passer de cette prière.
- La prière de Jésus est-elle accessible à l'homme contemporain?
- Bien sûr. En outre, c’est absolument crucial! Non seulement les chrétiens en général, mais en particulier les moines en ont besoin. Mais il doit y avoir de la volonté et de la persévérance, de la patience et de l'amour pour le Christ.
- Les fresques de séminaire Sretensky représentent non seulement tous les saints russes, mais même des ascètes qui n'ont pas encore été canonisés, et il y a un portrait de Feodor Dostoïevski avec Nicolas Gogol. Vous parlez souvent de l'influence que Fédor Mikhaïlovitch eut sur ​​vous, notant qu'il était l'un des auteurs les plus chrétiens dans la littérature russe. Quelle est votre opinion sur le rôle de la littérature et de l'art sur ​​le développement spirituel personnel?
- Le Seigneur emploie divers moyens pour nous amener à connaître la vérité. La bonne littérature est l'un de ceux-ci, qui amène l'humanité vers Lui, c’est l'un des principaux moyens qui dirigent l'esprit et le cœur vers Dieu. Un chrétien doit connaître et lire des auteurs comme Dostoïevski – une telle lecture l'enrichit spirituellement. Mais quand une personne a déjà grandi dans l'Église, elle n’a pas besoin de distraction par la littérature profane. Il est préférable de lire les Pères de l'Église.
- Les moines peuvent-ils lire la littérature profane? Cela est-il bénéfique?
- Dabs une mesure très limitée, car si une personne n'a pas lu la littérature avant de rejoindre le monastère, cela signifie qu'elle est venue sans être préparée. En général, il me semble qu’un novice peut lire de telles choses, mais il est préférable pour un moine de l'éviter. Un moine doit être occupé par d'autres choses.

Version française Claude Lopez-Ginisty
d’après

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