"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

lundi 14 décembre 2015

DU MONT ATHOS A OPTINO: JOSEPH MUÑOZ, PELERIN DE LA PORTAÏTISSA ET MARTYR


Frère Joseph avec l'icône de la Portaïtissa



Icône de Frère Joseph peinte à Optino

Icône sculptée

Moine Ibère, tel était aussi le saint moine Gabriel, qui, ayant entendu une voix divine venue du Ciel, alla chercher sur les flots, l’icône de la Portaïtissa qui se tenait à la surface des eaux.
Tradition athonite

Sous l’empereur Théophile, pendant la période iconoclaste, des soldats firent irruption dans la maison d’une veuve qui possédait une chapelle dédiée à la Mère de Dieu. Un des soldats frappa l’icône de la Théotokos qui occupait la place d’honneur, cette icône était, selon la tradition de l’Eglise, une copie de celle que le saint Apôtre Luc avait peinte. Du sang jaillit de la joue de la Mère de Dieu. Le soldat, frappé de stupeur, se repentit, se convertit, et entra dans un monastère.

Sachant que les iconoclastes allaient revenir accomplir leur sinistre besogne, la pieuse femme pria pour être guidée par Dieu et, sous l’inspiration divine, jeta l’icône à la mer. Celle-ci ne coula pas, mais flotta sur l’ onde et s’éloigna vers le large…

Le fils de cette femme dévote se réfugia ensuite au Mont Athos, y narra l’histoire de l’icône et vécut une sainte vie. Cette histoire fut transmise de génération en génération à tous les moines du monastère d’Iviron (28). Plusieurs années plus tard, l’icône, dit la tradition, apparut comme " dans une colonne de feu" sur la mer.

Un saint moine du nom de Gabriel eut une apparition de la Mère de Dieu qui lui annonça qu’Elle désirait que les moines de ce lieu aient son icône comme protectrice, et pour le salut de leurs âmes. Elle lui enjoignit de s’avancer sans crainte sur les eaux pour la prendre dans ses mains. Ce qu’il fit. Une icône fut écrite qui montre ce prodige.


L’icône ramenée au monastère d’Iviron fut placée sur l’autel. Le lendemain elle avait disparu du sanctuaire. Elle fut retrouvée sur le mur près du portail, à l’entrée du Monastère. Ceci se répéta à plusieurs reprises jusqu’à ce que la Mère de Dieu apparaisse au moine Gabriel pour lui dire qu’elle n’avait nul besoin d’être protégée par les moines. 

Elle désirait au contraire que les caloyers (29) d’Iviron soient protégés par elle, comme elle l’avait annoncé au moine Gabriel. Après ces prodiges, une église fut construite près des portes du monastère où l’icône fut déposée. On peut l’y voir encore de nos jours. Elle fut connue sous le nom d’icône d’Iviron (Iverskaïa en russe) ou de Portaïtissa (Portière, Gardienne de la Porte ou du Portail en grec).

Au XVIIe siècle, l’archimandrite Nikon de Moscou, plus tard Patriarche de Moscou et de Toutes les Russies, demanda à l’higoumène du monastère d’Iviron de lui envoyer une copie de l’icône. Sa requête fut acceptée et une chapelle fut construite près des murs du Kremlin à Moscou. L’icône dite "Iverskaïa" (30) fut très vénérée par le peuple russe jusques à la révolution bolchevik de 1917 qui vit la destruction de la chapelle et la disparition de l’icône. Un acathiste avait même été composé en Son honneur.(31)

Joseph a raconté lui-même sa rencontre miraculeuse avec l’icône de la Toute Pure et cette irrésistible et forte attirance spirituelle qu’il eut immédiatement pour elle.

"Il y a presque un an, je suis allé avec deux amis du Canada au Mont Athos (32). Je quittai un de mes compagnons dans une des petites skites où il avait décidé de devenir moine. Depuis cette skite, mon autre compagnon qui parle bien grec et moi-même, nous allâmes visiter les célèbres monastères athonites. 

Je voulais beaucoup passer quelque temps dans la skite des Daniélites (33) où il y a un atelier d’iconographie qui se conforme aux anciennes traditions. Nous avons pris un bateau et nous sommes arrivés à la skite de Kapsokalyvia. Là nous avons passé la nuit et puis nous sommes partis à pied vers notre but, la kélia (34) de saint Daniel. 

Pendant huit heures, nous sommes montés et descendus à flanc de montagne et la kellia n’était toujours pas visible. Nous avions déjà perdu la notion du temps, mais néanmoins nous avons continué notre route. Finalement, je ne pouvais plus avancer; mes jambes me faisaient mal et je dis à mon compagnon : "Je ne peux pas aller plus loin, arrêtons-nous ici!" Nous étions au sommet d’une colline. En regardant plus bas, nous pouvions voir un petit ermitage. Nous sommes descendus. Cela se révéla être la skite de la Nativité du Christ. 

Le recteur de la skite nous reçut joyeusement et nous offrit du thé et des loukoums sur la terrasse. Alors que nous entrions dans la maison, je vis dans leur atelier d’iconographie cette icône de la Très Sainte Vierge. Je ne puis jamais expliquer ce que je ressentis en voyant cette icône. Je pense que mon cœur fut renversé dans ma poitrine. Je devins très fortement attaché à cette image. Puisqu’ils écrivaient des icônes en ce lieu, je demandai aux moines de me vendre cette icône. Ils me dirent cependant qu’ils ne pouvaient pas me vendre cette icône. Ils me dirent car c’était la première qui avait été écrite dans cette skite. Ils pouvaient m’en faire une copie et me l’envoyer. Après de longues et persistantes requêtes-mon ami était las de les traduire-je décidai qu’il n’y avait pas d’espoir d’acquérir cette icône puisqu’ils ne voulaient pas la vendre. 

Cette nuit-là, pendant la liturgie, au moment du "Il est digne"(35) , je tombai au sol et fis une prière fervente à la Très Sainte Vierge. " J’ai déjà fait tout ce qui était humainement possible ; je leur ai offert de l’argent et j’ai importuné l’higoumène. Néanmoins, ô Mère de Dieu viens avec nous en Amérique, car nous avons besoin de Toi". Après avoir dit cette prière, je ressentis un grand calme spirituel, comme un sentiment de confiance qui m’assurait que la Très Sainte Vierge viendrait avec nous. La Liturgie s’acheva et nous allâmes prendre le petit-déjeuner. 

Après le petit-déjeuner, nous commençâmes à préparer notre départ de la skite. Nous n’avons pas pu saluer l’higoumène à notre départ, car on ne put le trouver nulle part. Cependant, tandis que je quittais la skite et que je m’apprêtais à descendre vers le rivage (car la skite était sur une colline) pour prendre le bateau, le recteur de la skite apparut, portant l’icône enveloppée dans du papier, et il me dit : " La Très Sainte Vierge veut aller avec vous en Amérique." Je fus très étonné car cela arrivait à la dernière minute alors que nous partions. Il est intéressant de noter que tandis que je quittais la skite, je n’avais aucune peine en mon âme alors que je quittais l’endroit où était l’icône. Je ne puis l’exprimer en mots mais je ne ressentais aucun désespoir. 

Quand l’higoumène me donna l’icône, je voulus le payer, mais il me dit que l’argent ne peut être accepté pour des choses saintes. J’insistai et voulus d’une manière quelconque montrer ma reconnaissance, donner de l’argent pour cette pauvre skite, mais l’higoumène ne voulut absolument rien accepter.

Après avoir reçu l’icône de l’higoumène, je dis à mon ami. "Partons vite avant qu’il ne se ravise! " Nous avons pris le bateau. Alors que nous étions en mer, nous dirigeant vers Daphni, une voix puissante en moi me dit avec insistance : "Va au monastère d’Iviron et met en contact ton icône de la Théotokos d’Iviron avec la Célèbre Icône Miraculeuse de la Mère de Dieu d’Iviron qui est dans ce monastère." 

Obéissant à cette voix, nous fîmes route vers le Monastère d’Iviron. Là, un vieux moine nous accueillit sans trop de chaleur et dit : "Attendez ! L’église qui contient l’icône d’Iviron n’est pas encore ouverte!" et nous avons attendu trois heures pleines près de l’église avant qu’un autre moine ne vienne l’ouvrir. Quand nous avons demandé à ce moine de nous permettre de toucher notre icône à l’image de la Mère de Dieu d’Iviron, il nous demanda avec étonnement pourquoi nous voulions faire cela. Je lui expliquai que nous voulions bénir l’icône car nous l’emportions en Amérique où Satan tient tout entre ses mains. Le moine accepta et nous touchâmes notre icône à l’Icône d’Iviron. De la Sainte Montagne, nous allâmes en Espagne (…). Pendant toute cette période, l’icône était entièrement sèche sans aucun signe d’humidité à sa surface.

D’Espagne, je retournai au Canada. J’achetai une lampade (36) pour l’Icône et plaçai la Sainte Image entre les reliques de plusieurs saints des Grottes de Kiev que Vladika Léonce du Chili (37) m’avait donné lorsque j’étais au Chili, et une icône –photographie de la sainte et vénérable nouvelle martyre, la Grande Duchesse Elisabeth (38). Trois semaines passèrent durant lesquelles je lisais l’acathiste à la Très Sainte Vierge tous les soirs. Soudain, une nuit, aux environ de quatre heures du matin, je me réveillai et je sentis un doux parfum qui remplissait toute la maison, non seulement ma chambre, mais toute la maison.

Un jeune homme vivait dans la maison. Je lui demandai s’il avait cassé une fiole de parfum pour que l’on sente un tel parfum suave. Il me répondit : "Non, Non !" Je lui dis : "Je suis certain que ce parfum vient des saintes reliques qui sont sur la table". Le jour suivant, tandis que je me levais pour dire les prières du matin, je regardai l’icône et je vis que des mains de la Très Sainte Vierge, il y avait des petits ruisseaux qui coulaient vers la base de l’icône. Je dis à mon colocataire: "Fais attention quand tu remplis la lampade!", car je pensais qu’il avait, en remplissant la lampade, projeté, sans y prendre garde, de l’huile sur l’icône. Mais il me dit qu’il n’avait pas rempli la lampade. J’essuyai l’icône et je sentis que le doux parfum venait d’elle. Mais c’était si inhabituel que je l’examinais sans cesse et je ne pouvais comprendre que quelque chose de merveilleux se passait. Peu après, le hiéromoine Irénée [depuis évêque de l'OCA] vint chez nous et me dit que nous devrions emporter l’icône à l’Eglise. Ce que nous fîmes."



L’icône continua à exsuder son huile d’onction céleste sans discontinuer. Le myrrhon, puisqu’il faut donner à cet écoulement divin son nom véritable, venait principalement des mains de la Mère de Dieu, de l’étoile (39) de son épaule droite, ou bien de la base de l’icône. Il semblait que la Toute Pure distribuait cette manne fragrante de ses propres mains aux fidèles. Des morceaux de coton mis au bas de l’icône enserrée dans un cadre avec une vitre pour la protéger, récupéraient ce flot incessant de parfum du Ciel. Il arriva que cette huile sainte coule en telle abondance, qu’elle sortit de son cadre pour ruisseler sur son support jusques au sol.(40)

Elle passa à plusieurs reprises à travers la vitre de protection. Quelquefois les cotons qui contenaient cette précieuse bénédiction séchaient, mais ils conservaient cette fragrance superbe. Lors d’une bénédiction d’appartement chez un ami, un coton sec depuis longtemps se mit à couler. Le flot céleste qui ruisselait quelquefois visiblement et en abondance redoublait lorsque la prière se faisait plus fervente. Par contre, il arriva aussi que l’écoulement cesse, en particulier pendant la Semaine Sainte.

Puis, chacun d’entre nous a rencontré l’Icône Myrrhoblyte et son gardien Frère Joseph…

© Claude Lopez-Ginisty
extrait de
DU MONT ATHOS A OPTINO: 
JOSEPH MUÑOZ, PELERIN DE LA PORTAÏTISSA
  ET MARTYR
(Biographie nédite, Chapitre 4)
*
Frère José/Ambroise
Fresque dans la chapelle 
orthodoxe du cimetière
de Washington D.C.
USA
*
NOTES


(28) Appelé ainsi car il fut à l’origine le monastère des Ibères, c’est-à-dire des Georgiens.

(29) Vieux terme français forgé sur Kalos Geron (le Beau/Bon vieillard) désignant les moines

(30) c’est-à-dire d’Ibérie, de Géorgie

(31) Cet acathiste est ICI. Après l’avoir traduit, comme j’en parlais avec Frère Joseph et que je m’étonnais de ce que la copie faite au Mont Athos ait été peinte en utilisant de l’eau bénite et des reliques insérées sous le levkas, il me dit que lui-même avait procédé de cette façon pour la copie de la Portaïtissa qu’il avait faite et envoyée en Russie. Il aurait tellement voulu s’y rendre lui-même avec l’icône myrrhoblyte!…

(32) RECIT DU SAINT NEOMARTYR JOSEPH, publié un an après son retour au Canada avec l’icône de la Mère de Dieu. (Russie Orthodoxe 1983 N° 17, 18, 20) Traduction de l’auteur.

(33) Le Géronda (Ancien, Staretz) Daniel était un Père spirituel du Mont Athos.

(34) Petit ermitage

(35) Hymne traditionnel à la Très Sainte Mère de Dieu, correspondant à la salutation de l'Ange à la Mère de Dieu.

(36) L'évêque Léonce du Chili fut le Père Spirituel de Joseph.

(37) id est Maître, terme par lequel on s’adresse à l’évêque dans l’Eglise Russe.

(38) Nouvelle Martyre, sœur de la Tzarine Martyre Alexandra, moniale et higoumène de la communauté de Marthe et Marie. Elle est l’incarnation rare de la vertu chrétienne du pardon : elle alla dans sa prison pardonner à l’assassin de son époux. Elle est un des personnages de la pièce Les Justes d’Albert Camus.

(39) Les trois étoiles sur le vêtement de la Toute Pure symbolisent la virginité.

(40) Ce phénomène a aussi été remarqué pour l’icône myrroblite d’Andros (Monastère Saint-Nicolas, Grèce) lors de l’office du Théotokarion, office à la Mère de Dieu écrit par Saint Nicodème l’Aghiorite.

autre icône de Frère Joseph

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