"Dans la confusion de notre époque quand une centaine de voix contradictoires prétend parler au nom de l'Orthodoxie, il est essentiel de savoir à qui l'on peut faire confiance. Il ne suffit pas de prétendre parler au nom de l'Orthodoxie patristique, il faut être dans la pure tradition des saints Pères ... "
Père Seraphim (Rose) de bienheureuse mémoire

dimanche 7 février 2016

Archevêque Averky: Le "néo-millénarisme"


Le Seigneur a dit: "Si quelqu'un veut venir après moi, qu'il renonce à lui-même, qu'il se charge de sa croix, et qu'il me suive." (Marc 8:34.)

Le Grand Carême est une saison de repentance; et le repentir est ce combat pour lutter contre les passions des péchés et des convoitises qui est si difficile pour l'homme que le Seigneur, le juge de cet exploit Lui-même, a comparé au portement de croix. Nous nous remémorons vivement de cela à mi-parcours du Grand Carême même, le dimanche de l'Adoration de la Croix. Tout comme le Seigneur porta la Croix pour le bien de notre salut, ainsi chacun de nous doit "porter sa croix" pour atteindre le salut préparé pour nous par le Seigneur.

Sans la croix, sans lutte, il ne peut y avoir de salut! Ceci est ce qu'enseigne le christianisme véritable. L'enseignement sur ce combat lutte, sur le fait de porter la croix, court comme un fil rouge à travers toutes les Saintes Écritures et toute l'histoire de l'Eglise; et la vie de ces saints qui ont été agréables à Dieu, les athlètes spirituels de la piété chrétienne, en portent clairement témoignage. Le Grand Carême est simplement un exercice chaque année répété du portement de sa croix dans cette vie, un exercice de combat spirituel inséparablement lié à la toute la vie entière du chrétien véritable.

Mais maintenant, au XXe siècle de l'ère chrétienne*, les "sages" ont fait leur apparition - les "néo-chrétiens», comme certains d'entre eux disent se réfèrant à eux-mêmes - qui ne veulent pas entendre parler de cela. Ils prêchent une nouvelle sorte de néo-christianisme édulcoré à la saccharine, sentimental, de teinte rose, dénué de toute œuvre et combat, un imaginaire, un amour pseudo chrétien qui englobe tout et la jouissance sans restriction de tous les plaisirs de cette vie terrestre transitoire.

Ils ignorent totalement les innombrables passages de l'Écriture sainte qui parlent avec force et éloquence des luttes spirituelles, d'imiter le Christ Sauveur en se crucifiant soi-même, des nombreuses épreuves qui attendent le chrétien dans cette vie, en commençant par les paroles que le Christ le Sauveur Lui-même a adressé à Ses disciples à la Cène mystique: dans le monde vous aurez des tribulations (Jean 16:33). Et cela parce que, comme le Seigneur Lui-même a expliqué, les vrais chrétiens ne sont pas du monde (Jean 15:19), puisque le monde entier est plongé dans le mal (I Jean 5:19).

Ceci est la raison pour laquelle les chrétiens ne doivent pas aimer ce monde et les choses qui sont dans le monde (I Jean 2:15); l'amitié du monde est inimitié contre Dieu, et quiconque sera donc un ami du monde se rend ennemi de Dieu (Jacques 4: 4).

Ces "sages" modernes en quelque sorte ne voient pas que la Parole de Dieu ne promet nulle part définitivement aux chrétiens une satisfaction spirituelle complète et le bonheur paradisiaque dans cette vie terrestre, mais, bien au contraire, Il souligne que la vie sur terre s'éloigne de plus en plus de la loi de Dieu; que, en ce qui concerne la morale, les hommes tomberont plus en plus bas (voir II Tim 3: 1-5.); que tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ seront persécutés. Mais les hommes méchants et imposteurs avanceront toujours plus dans le mal, égarant les autres et égarés eux-mêmes. (II Tim 3:. 1213); et que, le jour du Seigneur viendra comme un voleur; en ce jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les oeuvres qu'elle renferme sera consumée.(II Pierre 3:10).

Mais il apparaît de nouveaux cieux et une nouvelle terre, où la justice habitera (II Pierre 3:13) - une nouvelle Jérusalem merveilleuse, descendant du ciel de Dieu (Apocalypse 21: 2), ce qui a été montré à Jean, le spectateur de mystères, lors de la révélation à lui accordée.

Tout cela n'est pas du goût des "néo-chrétiens". Ils veulent la béatitude dans ce monde, chargé du fardeau de la multitude de ses péchés et iniquités; et ils attendent ce bonheur avec impatience. Ils considèrent que l'un des moyens les plus sûrs de l'atteindre est le "mouvement œcuménique", l'union et l'unification de tous les peuples dans une nouvelle "église" qui comprendra non seulement les catholiques romains et les protestants, mais aussi les juifs, les musulmans et les païens, chacun conservant ses propres convictions et ses propres erreurs. Cet amour "chrétien" imaginaire, au nom de la béatitude future des hommes sur terre, ne peut que piétiner la Vérité.

La destruction de cette terre avec tout ce qu'elle contient, bien que clairement annoncée par la Parole de Dieu, est considérée par eux comme je ne sais quoi d'horrible, comme si elle était pas compatible avec la toute-puissance de Dieu et, apparemment, tout à fait indésirable. Ils admettent à contrecœur la destruction de la terre (car comment ne pas accepter quelque chose prophétisé dans la Parole de Dieu?), mais à la condition qu'elle se déroule dans un futur brumeux de linceul, très lointain; non pas dans des siècles, mais dans des millions d'années à partir de maintenant.

Quelle est la raison pour ça? On pourrait dire, parce qu'ils sont faibles de foi, ou manquent entièrement de foi en la résurrection des morts et en la vie du siècle à venir. Pour eux, tout est dans cette vie terrestre, et quand elle se termine pour eux, tout se termine.

Dans quelques-uns de ses points - en particulier dans l'attente de la vie bienheureuse dans ce monde - un tel état d'esprit ressemble étroitement à l'hérésie répandue dans les premiers siècles du christianisme appelés millénarisme. C'est l'attente d'un règne de mille ans du Christ sur la terre; donc la manifestation moderne de cette hérésie peut être qualifiée de "néo-millénarisme."

Il faut être conscient et garder à l'esprit que le millénarisme a été condamné par le Concile œcuménique en l'an de Grâce 381; et donc y croire maintenant au XXe siècle**, même partiellement, est tout à fait impardonnable. D'ailleurs, ce "néo-millénarisme" contemporain est bien pire que l'ancienne hérésiemillénariste en ce que, à sa base se trouve indubitablement une incrédulité dans la vie du siècle à venir et le désir passionné d'atteindre la béatitude ici sur la terre, en utilisant toutes les améliorations et les réalisations du progrès matériel de notre temps.

Ce faux enseignement fait des dommages terribles, endormant la vigilance spirituelle des fidèles et leur suggérant que la fin du monde est loin (si, en fait, il y a une fin), et donc il n'y a pas de besoin particulier de veiller et de prier, ce à quoi le Christ Sauveur appelait constamment ses disciples (cf. Matthieu 26:41), car tout dans ce monde va progressivement de mieux en mieux, le progrès spirituel est au même niveau que le matérialisme.

Et les phénomènes terribles que nous observons à l'heure actuelle sont tous temporaires; tout est déjà arrivé, et tout finira par passer, et une extraordinaire floraison du christianisme va remplacer cela, floraison dans laquelle, bien sûr, les œcuménistes occuperont les places principales et les plus honorées.

Ainsi, tout va bien! Il ne faut pas travailler sur soi-même, et aucun combat spirituel n'est nécessaire; les jeûnes peuvent être abolis. Tout ira mieux tout seul, jusqu'à ce que le Royaume de Dieu soit finalement établi sur la terre avec une satisfaction et une béatitude terrestre universelles.

Frères! N'est-il pas clair que nous connaissions la source ultime de cette fausse doctrine séduisante? Qui suggère toutes ces pensées aux chrétiens contemporains dans le but de renverser toute la chrétienté? Comme un fléau infectieux, comme le feu, il faut craindre ce "néo-millénarisme" qui est si profondément contraire à l'enseignement de la Parole de Dieu, à l'enseignement des saints Pères, et à tous les enseignements centenaires de notre sainte Église, par lesquels beaucoup, beaucoup de milliers de justes ont été sauvés.

Sans combat spirituel il n'y a pas, et il ne peut y avoir de christianisme véritable! Par conséquent, notre voie n'est pas avec tous les mouvements modernes, ni avec les œcuménistes, ni avec les "néo-millénaristes."

Notre foi est la foi des saints ascètes, la foi apostolique, la foi des Pères, la foi orthodoxe qui a rendu ferme le monde entier. A cette foi et à cette foi seulement nous adhérons fermement en ces mauvais jours où nous vivons maintenant.

Amen!
Version française Claude Lopez-Ginisty
d'après
Archbishop Averky of Jordanville
APOCALYPSE
Valaam Society of America
1985
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Notes: 
* Vladyka Averky disait ceci dans un sermon dans les années septante du siècle vingtième.
** idem

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